DOCUMENT STRICTEMENT RÉSERVÉ À L'USAGE PÉDAGOGIQUE
INDIVIDUEL
REPRODUCTION ET DIFFUSION INTERDITES
Bernard CHARLOT
L'éducation pour demain : questions pour la société,
questions pour les pratiques,
in Revista de Educação publica, Cuiaba, Université
fédérale du Mato-Grosso (Brésil), v. 7, n° 11,
jan./juin 1998, p. 82-94.
L'éducation pour demain :
questions pour la société, questions pour les pratiques
1. Deux illusions : la toute puissance de l'éducation et son
impuissance
L'entrée d'un pays dans le prochain siècle dépend-elle
de l'éducation ? Il faut se méfier de l'illusion selon laquelle
l'avenir dépend de ce que seront plus tard les générations
actuelles. Bien sûr, c'est en partie vrai, mais en partie seulement
: l'avenir d'un pays dépend d'abord des décisions économiques,
sociales, politiques que prennent les responsables d'aujourd'hui. Contrairement
à un mot devenu classique en France, ce n'est pas l'instituteur
français qui a perdu la guerre de 1870 contre l'Allemagne, ce sont
les politiques et les généraux - qui, bien sûr, ont
tout intérêt à rejeter la responsabilité de
la défaite sur les instituteurs...
L'entrée du Brésil dans le prochain siècle dépend
des décisions que prennent aujourd'hui les responsables brésiliens.
Le Brésil doit-il ou non s'inscrire dans une économie-monde
(dans ce que les Brésiliens nomment la "globalisation" et les Français
la "mondialisation") ? Quelles décisions prendre pour résoudre
des problèmes sociaux et culturels fondamentaux : les situations
d'extrême pauvreté (paysans sans terre, enfants dans les rues...),
le racisme dont sont victimes les noirs ? Quelle place dans l'avenir pour
les classes moyennes brésiliennes ? Comment réduire l'écart
entre l'état de Sao Paulo ou le Rio Grande do Sul d'un côté,
les états du nordeste de l'autre ? C'est de ces problèmes,
et des décisions prises aujourd'hui, que dépend le Brésil
du 21ème siècle. En ce sens, la responsabilité première
n'est pas celle des enseignants mais celle des politiques et, au-delà,
de chaque acteur social.
Cependant, la question de l'éducation reste essentielle. Mais
en tant qu'elle est liée aux questions précédentes,
et non pas comme question isolée. Le point clef, quand on
s'interroge sur l'éducation pour demain, est le mode d'articulation
de l'éducation et de la société. Mais attention à
ne pas être victime de l'illusion inverse de la précédente,
en croyant que les pratiques quotidiennes des enseignants ne portent aucune
responsabilité dans la préparation de l'avenir du pays. La
question de l'articulation entre l'éducation et la société
pose certes des problèmes de politique globale, mais aussi des problèmes
liés aux pratiques quotidiennes des enseignants.
2. La forme historique première : le projet d'éduquer
Toute société humaine doit se reproduire, et pour cela
produire ses membres, biologiquement et culturellement. Il y a là
un fait anthropologique premier, qu'on ne peut réduire aux formes
capitalistes de reproduction analysées dans les années 60
et 70 par les "sociologies de la reproduction". Pour se reproduire, toute
société institue des dispositifs de prise en charge des jeunes.
En outre, elle engendre des fantasmes de maîtrise, et souvent d'homogénéité
: un modèle de jeune bien façonné, "bien élevé",
"bien éduqué". Mais les membres de la société
sont des sujets humains et, en tant que sujets, ils échappent à
la conformation et à l'homogénéisation. Aussi la société
cherche-t-elle à agir au cœur même du sujet : sur ses représentations,
ses valeurs, sa façon même d'appréhender le monde,
ses dispositions psychiques (ce que le sociologue P. Bourdieu appelle un
habitus). De sorte que la forme historique première d'élevage
des jeunes est celle de l'Église éducatrice, de l'État
éducateur, de la communauté éducatrice : quelle qu'elle
soit, l'instance éducative dit aux jeunes le sens du monde, à
travers les valeurs qu'elle lui inculque et le patrimoine culturel qu'elle
lui transmet. La reproduction de la société à travers
la production de la génération nouvelle est alors une question
politique et culturelle, une question éducative au sens fort du
terme.
Dans les sociétés issues de la culture occidentale s'ajoute
peu à peu et s'impose à partir du 17ème siècle
un élément supplémentaire : la prédominance
de l'écrit (de ce que J. Goody appelle "la raison graphique") dans
la formation des enfants des classes dominantes. Il y a là un effet
des religions du livre, de la rationalisation bureaucratique du pouvoir
et de la construction progressive d'une forme culturelle nouvelle. Privilégier
l'écrit, c'est tout à la fois apprendre aux jeunes à
mettre le monde à distance et entretenir la domination de ceux qui
maîtrisent l'écrit - et qui, socialement, sont en position
de mettre ainsi le monde à distance. L'écrit produit des
effets à la fois de libération culturelle et de domination
sociale.
Telle est la forme première d'articulation de l'éducation
et de la société : priorité au projet politique et
culturel. En France, cette forme s'est imposée sous la IIIème
République, vers 1880, avec l'école gratuite, laïque
et obligatoire mise en place par Jules Ferry. Mais l'école française
est sortie de cette forme au cours des décennies 1960 et 1970. Certes,
il en reste des traces, et un souvenir fort, mais tel n'est plus le projet
fondateur de l'école française actuelle. Au Brésil,
la situation me semble plus complexe : le Brésil, tout à
la fois, n'a pas encore totalement réalisé, partout et pour
tous, la forme éducative historique, et, en tant que grande puissance
économique du monde, est déjà entré dans la
forme aujourd'hui dominante en France : celle que j'appelle de l'État-développeur,
en référence à la France, celle, plus largement, où
une logique économique et sociale s'est substituée à
la logique politique et culturelle.
3. La forme contemporaine dominante : priorité au développement
L'éducation est aujourd'hui pensée dans la perspective
du développement économique du pays plus que dans celle de
la reproduction culturelle des membres de la société. Cela
se vérifie au niveau de l'État (fédéral ou
fédéré), des municipalités, des communautés,
qui pensent avant tout en termes de développement. Mais cela se
vérifie aussi au niveau des parents et des enfants eux-mêmes,
qui attendent de l'école un "bon métier". Un consensus large
et implicite s'est construit : l'objectif de l'éducation, c'est
le développement économique et l'insertion professionnelle.
Cette mutation s'accompagne d'une ouverture de nouveaux segments de
l'appareil scolaire (enseignement secondaire et supérieur) à
de nouveaux publics (jeunes de milieux populaires et femmes), de la restructuration
de cet appareil (nouvelles filières techniques et professionnelles),
de questions nouvelles sur les liens entre l'école et son environnement
(question de "l'ouverture de l'école").
Ces évolutions de l'école sont liées à
d'autres évolutions sociales, qui ont des effets directs sur l'école.
Deux d'entre elles me semblent mériter une attention particulière,
que ce soit en France ou au Brésil.
La première est l'individuation croissante de l'existence :
l'individu est moins défini qu'autrefois par son appartenance à
une communauté culturelle ou à une classe sociale, et davantage
par son histoire singulière (même si, là aussi, le
processus est plus avancé en France - et davantage encore dans un
pays comme les USA - qu'au Brésil). L'école participe à
ce processus d'individuation : l'ouverture plus large de l'enseignement
secondaire permet à certains jeunes d'avoir une histoire personnelle
tout à fait différente de celle de leurs parents.
Qu'on me comprenne bien. Je ne suis pas en train de dire que la réussite
à l'école est désormais affaire de caractéristiques
personnelles et ne dépend plus de l'appartenance sociale : les effets
de classe (et parfois d'ethnie) subsistent mais ils sont produits à
travers des effets d'histoire individuelle et sont perçus comme
liés à cette histoire individuelle - en outre, du fait même
qu'ils sont produits à travers l'histoire singulière, ils
laissent ouvertes des possibilités d'échapper au destin social.
Ainsi, un enfant de milieu populaire, dans les années 30, en France,
n'allait pas au lycée : dans son milieu, cela ne se faisait pas,
sauf exception rarissime, même si on était un bon élève.
À partir des années 60, un enfant va au lycée s'il
est "bon élève", quelle que soit son origine sociale. Certes,
les sociologues l'ont montré, la probabilité d'être
un bon élève est beaucoup plus grande quand on appartient
aux classes dominantes que lorsqu'on est enfant de familles populaires
: en ce sens, l'inégalité sociale face à l'école
subsiste. Mais il n'en reste pas moins que c'est à partir de ses
résultats scolaires et non pas directement à partir de son
appartenance familiale qu'un enfant est orienté ou non vers le lycée.
Il y a là un élément d'individuation de l'existence
tout à fait nouveau - et qui ouvre de réels espaces de mobilité
sociale (comme l'atteste la croissance des classes moyennes).
Attention également à éviter une seconde erreur
d'interprétation : je parle d'individuation de l'existence et non
d'individualisme. Certes, l'individualisme se développe aussi dans
les sociétés contemporaines mais c'est l'individuation qui
constitue la mutation sociale profonde. Un exemple permettra de comprendre
la différence entre individuation et individualisme. En France,
dans les années 80, s'est développé un mouvement anti-raciste
qui a eu beaucoup de succès auprès des jeunes. Ce mouvement,
qui s'appelle "SOS Racisme", a choisi pour slogan (très efficace)
: "Touche pas à mon pote". Ce n'est pas de l'individualisme, c'est
même l'inverse. Mais le slogan se coule dans la forme culturelle
de l'individuation : alors que les générations précédentes
manifestaient en référence à une valeur ("À
bas le racisme"), les jeunes se sont reconnus dans un slogan construit
en référence à un individu. Il y a là un phénomène
nouveau, qui pose d'ailleurs un difficile problème aux organisations
de masse : aujourd'hui, en France tout au moins (mais je suis presque sûr
qu'on retrouve le phénomène dans d'autres pays), les jeunes
veulent bien s'engager mais à condition d'être assurés
que leur engagement servira à quelqu'un, identifiable comme individu,
et ne se perdra pas dans le ciel de valeurs aussi nobles qu'abstraites.
Ainsi, je trouve chaque semaine dans ma boîte aux lettres quatre
ou cinq appels qui me demandent de verser de l'argent non pas contre la
faim ou la maladie dans le monde mais pour nourrir ou soigner tel enfant,
dont on m'indique le prénom et dont souvent on me donne la photo.
Les organisations caritatives ont bien compris que l'homme contemporain
veut bien aider son prochain (il n'est pas si "individualiste" et "apolitique"
qu'on le dit) mais à condition qu'on le lui présente comme
un individu singulier et non comme l'incarnation d'une Idée.
Cette individuation de l'existence humaine pose de redoutables problèmes
à la forme historique, politico-culturelle, de l'éducation.
Celle-ci, en effet, prenait appui sur de grands systèmes de sens
qui fournissaient des repères pour former l'individu : systèmes
de valeurs religieuses, morales, philosophiques. Or, ce sont précisément
ces systèmes qui semblent avoir aujourd'hui perdu leur crédibilité
: non seulement dans leurs contenus mais plus encore en tant que ce sont
des systèmes de valeurs, d'idées. Aujourd'hui, l'individu
est au centre, mais faute de repères fiables et reconnus on ne sait
pas bien au centre de quoi...
Une seconde évolution majeure me semble devoir être soulignée
: la segmentation croissante des territoires sociaux et éducatifs.
Certes, les différences sociales se sont toujours inscrites
dans l'espace. Par exemple, dans les villes françaises du 19ème
siècle, les plus riches habitent au rez-de-chaussée et les
chambres de bonnes sont sous les toits (car il n'y a pas d'ascenseur) -
aujourd'hui que les ascenseurs existent, c'est plutôt l'inverse,
les plus aisés souhaitant profiter de la vue la plus agréable.
De même, dans les villes européennes industrialisées,
la bourgeoisie habite à l'ouest et les ouvriers à l'est :
comme les vents viennent de l'ouest (de l'Atlantique), les usines sont
plutôt construites à l'est des villes, afin que les fumées
ne traversent pas la ville - la bourgeoisie profite du bon air et
les ouvriers vivent au milieu des fumées.
Mais la segmentation socio-spatiale a pris aujourd'hui des formes nouvelles.
À côté des différences qui existent depuis longtemps
entre territoires économiquement plus ou moins développés
(par exemple entre le Rio Grande do Sul, le Minais Gerais et les états
du nordeste) sont apparues des poches de pauvreté au sein même
des zones en développement. Sao Paulo ou Rio ne sont pas des zones
pauvres, loin s'en faut, mais ce sont des villes où la question
des enfants dans les rues se pose avec acuité ; en effet, ce sont
des villes où le dénuement est géographiquement proche
de la richesse et où cette proximité des extrêmes produit
en permanence des explosions de violence. Cela tend à devenir une
caractéristique du monde moderne urbain : la misère s'engendre
là où s'engendre également la richesse ; les plus
pauvres agressent physiquement les plus riches ou les classes moyennes,
qui se protègent en vivant dans des lieux éloignés
ou en s'enfermant dans des lieux gardés (comme les condominos).
Le territoire tend ainsi à devenir une véritable mosaïque
sociale. À cette segmentation sociale correspond une segmentation
éducative : écoles différentes selon les zones ou
même les quartiers, voire les rues ; ou bien, lorsqu'il reste une
certaine mixité sociale, évitement de l'école publique
par les classes moyennes, qui mettent leurs enfants dans des écoles
privées. Par là même, il devient de plus en plus difficile
de construire une société dans laquelle les individus partagent
un minimum de références communes par-delà leurs différences
sociales, une société dans laquelle la divergence ou la contradiction
des intérêts ne dégénère pas en violences
et en guerre civile larvée. En ce sens, il faut prendre garde à
l'idée d'écoles communautaires, même si les intentions
sont généreuses : l'idéal d'écoles au service
de la communauté peut aussi déboucher sur la réalité
d'écoles enfermant les enfants dans un territoire socio-éducatif.
Nous sommes ainsi en train de passer de sociétés citoyennes,
construites sur des fondements politico-culturels, à des sociétés
mosaïques, à des sociétés puzzles (où,
qui plus est, des pièces n'arrivent pas à s'insérer
et apparaissent comme surnuméraires). Les sociétés
citoyennes disposent d'un projet politique, ancré dans des valeurs
qui peuvent servir de référence aux éducateurs. Les
sociétés puzzles ne font qu'assembler, de façon instable,
avec des déformations constantes, des différences entre individus
et entre mini-territoires ; l'école peut se centrer sur l'enfant
et sur la communauté environnante mais il lui manque ce sans quoi
il est bien difficile de former un jeune : des valeurs de référence
solides et reconnues.
4. La notion de "crise de l'école" n'est pas pertinente
À partir du moment où une société ne se
pense plus elle-même en termes de valeurs mais de développement
économique, où elle ne pense plus l'éducation des
jeunes générations en référence à un
projet politique mais dans l'unique souci de leur insertion professionnelle,
elle est confrontée à ce qu'on a appelé une "crise
de l'éducation". Ce mot de "crise" ne me convient pas, je ne crois
pas qu'il y ait une crise de l'éducation mais plutôt une "mutation"
des rapports entre l'école et la société, un changement
de logique.
Ce qu'affrontent les sociétés modernes n'est pas une
"crise", un moment de déséquilibre, d'inadaptation, auquel
on pourrait mettre fin en trouvant le bon remède (c'est-à-dire
ici la bonne réforme) permettant de retrouver l'harmonie de l'école.
C'est une situation de contradictions structurelles liées aux nouveaux
modes d'articulation entre l'école et la société.
Aussi, le rôle fondamental des réformes de l'éducation
n'est pas celui qu'on croit : une réforme de l'école n'a
pas pour but de résoudre les problèmes mais de les déplacer.
Cela peut d'ailleurs être très positif : un problème
ainsi déplacé peut être mieux géré, avec
des conséquences plus positives pour la société et
pour les enfants. Mais cela présente au moins un effet pervers :
après chaque réforme, des problèmes apparaissent là
où il n'y en avait pas avant et l'opinion publique se persuade peu
à peu que ce sont les réformes elles-mêmes qui créent
les problèmes - ce qui est d'ailleurs vrai, mais en n'oubliant pas
que ces réformes ont également fait disparaître d'autres
problèmes.
Quelles sont ces contradictions ? Il ne m'est pas possible de les analyser
en profondeur dans le temps dont je dispose mais je veux au moins en citer
quelques-unes, dans des formes faciles à comprendre.
Contradiction entre l'école pour former une élite performante
et l'école pour tous, celle de la solidarité, de la démocratie,
de l'égalité. Ce ne sont pas seulement les politiques et
les institutions qui doivent affronter cette contradiction, mais aussi
les établissements scolaires, les enseignants, les parents - et
plus encore les parents des classes moyennes militants de gauche, qui veulent
à la fois, en tant que militants que l'école soit égalitaire,
et en tant que parents que leur enfant réussisse mieux à
l'école que les autres enfants.
Contradiction entre l'école centrée sur ses tâches
spécifiques (la transmission d'un patrimoine culturel, la diffusion
de savoirs, la construction de compétences, notamment cognitives)
et l'école très ouverte sur le monde. Nos sociétés
(mais aussi, là encore, les parents eux-mêmes) demandent à
l'école des choses contradictoires. Nos sociétés ne
savent plus assigner à l'école des missions claires et non
contradictoires.
Contradiction, que vivent très fortement les enseignants, entre
l'école démocratique en tant qu'elle vise l'égalité
de tous face à l'éducation et... l'école démocratique
en tant qu'elle prend en considération les différences entre
publics scolaires.
Contradiction entre l'ambition universaliste (à la française)
ou au contraire communautariste (à l'anglo-saxonne), d'une part,
et d'autre part la réalité de la culture moderne qui est
de plus en plus une culture du métissage et de l'hétérogène.
Fin août, à Salvador de Bahia, le groupe musical Olodum avait
annoncé que le prix d'entrée à son prochain concert
serait deux fois plus faible pour les noirs ; cela a déclenché
de vives discussions ; Olodum a répondu que ceux qui sont noirs
dans leur tête paieraient également moitié prix, quelle
que soit la couleur de leur peau. Au-delà de l'humour qu'elle manifeste,
cette réponse est intéressante : nous vivons dans un monde
où il n'est plus évident de savoir qui, dans sa tête,
est blanc ou noir (ou indien), est homme ou femme, est du Mato Grosso ou
de Sao Paulo, est français ou brésilien, etc.
S'y ajoute, pour les politiques mais aussi pour les enseignants, la
contradiction d'une situation où jamais la question de l'éducation
n'a été aussi importante pour les autorités centrales
(de l'état fédéral, de l'état fédéré
ou d'une ville) et... où jamais il n'est apparu aussi nécessaire
de laisser des initiatives aux établissements et aux enseignants
pour traiter les problèmes complexes que recouvre aujourd'hui la
question scolaire.
Ce sont là des contradictions fortes, qui sont éminemment
politiques mais qui posent aussi des problèmes très concrets
aux enseignants dans leurs pratiques quotidiennes.
En effet, dès lors que l'on ne pense plus l'école qu'en
termes d'insertion professionnelle des jeunes, se pose la question du sens
de l'école au quotidien.
Les enseignants sont des femmes et des hommes qui entretiennent une
relation forte avec des valeurs (universelles ou communautaires) et qui
se reconnaissent mal dans l'école d'aujourd'hui. Ils sont confrontés
en permanence à des formes d'hétérogénéité
que leurs valeurs de référence maîtrisent mal : hétérogénéité
des élèves, des formes culturelles, des établissements,
des demandes des politiques et des parents. L'enseignement était
pensé comme une mission, il est en train de devenir un métier
- et un métier que personne ne sait définir de façon
précise, ce qui rend bien difficile la formation à ce métier...
Les parents eux-mêmes sont pris dans une contradiction forte
quant au sens de l'éducation - et plus encore les parents des classes
moyennes. Ils veulent à la fois que leur enfant r&eacu>