N°
385 -
Juin 2000 -
2
dossiers
1: Travailler
aussi en grand groupe Coordonné
par Elisabeth Bussienne et Michel Tozzi
2: Comment faire
avec les réformes ? Coordonné
par Jean-Michel Zakhartchouk
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![]() Travailler aussi en grand groupe
Comment faire avec les réformes ?
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EDITORIAL 1 Travailler aussi en grand goupe Le
thème de la baisse des effectifs des classes est un sujet
sensible en France. EDITORIAL 2 Comment faire
avec les réformes ? Qu'est-ce " être obstiné
" ? - Le chemin le plus court n'est pas le plus droit, mais
celui sur lequel le vent le plus favorable gonfle notre voile
: c'est ce qu'enseignent les règles de la navigation.
E pure
si muove !
Personne
ne peut être satisfait du fonctionnement actuel de l'école.
Voilà sans doute le seul constat sur lequel se rallieront
tous les acteurs de l'éducation. Mais d'où viennent
les dysfonctionnements ? De ce qu'on a trop " réformé
", en s'éloignant des missions fondamentales de l'école
républicaine, comme le pensent certains, ou tout au contraire,
parce que les choses n'ont en fait pas assez bougé, qu'on
a surtout changé en surface pour ne pas changer sur le
fond ? |
Depuis
quelques mois des réformes se mettent en place. Si nous
voulons prendre au sérieux l'idée de démocratiser
l'accès au savoir, de lutter contre l'exclusion, de former
le citoyen actif et créatif de demain, si nous voulons
remplir nos missions de transmetteurs de connaissances, de "
passeurs culturels ", mais aussi d'éveilleurs et
d'éducateurs, nous ne pouvons que désirer des changements
effectifs et organisés dans le système éducatif,
comme l'indique la devise qui se trouve sur la couverture de
chaque numéro des Cahiers. Mais nous ne pouvons pour autant
oublier le premier de nos principes d'orientation : " l'évolution
du système éducatif doit être éclairée
par une recherche [...]qui ne doit être décidée
et animée par une quelconque hiérarchie mais relever
des acteurs mêmes de l'éducation, sur leur terrain
et à leur niveau ". Ainsi, si nous souhaitons soutenir
les dispositifs proposés par l'institution quand ils vont
dans le bon sens nous continuerons à affirmer que "
les réformes ne peuvent, sous peine d'être inefficaces
et détournées de leur inspiration, être décidées
unilatéralement. [...]. Le CRAP-Cahiers pédagogiques
se prononce pour le droit à l'initiative individuelle
et collective. [...] Il encourage et se propose d'impulser des
actions de nature nécessaires à la sauvegarde de
ce droit. Il est décidé à lutter contre
toute décision et forme de répression contraire
à ce droit d'initiative " (principe 10). les éditoriaux sur une page |
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Jean-Pierre H. Tétart, Tranches de vie
|
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A C T U A L I T E | E D U C A T I V E |
Les ambitions du ministre Marie-Christine
Chycki
" Globalement
satisfaits " ?
Le changement
de ministre a pour l'instant apaisé les passions et les
conflits que l'action de C. Allègre avait fait apparaître
au grand jour Quels gages Jack Lang a-t-il donnés pour
permettre la trêve ?
La lecture du Point de presse sur
le lycée nous donne quelques éclairages. Sur le
plan des principes et des valeurs affichées, l'élitisme
républicain est nettement affirmé : référence
à Antoine Vitez et à son " idéal
de culture populaire comme culture élitaire pour tous "
; recherche d'une " école d'excellence pour chacun
" de " la plus haute ambition intellectuelle,
culturelle et scientifique ". Si l'on ne peut reprocher
au ministre sa volonté de décrispation et l'annonce
légitime de " hautes ambitions " pour l'école,
on peut néanmoins s'inquiéter de l'orientation idéologique
qui transparaît dans son discours reposant pour l'essentiel
sur le modèle compétitif. " L'égalité
des chances et l'exigence intellectuelle marchent d'un même
pas " écrit-il fort justement. En apparence démocratique
le slogan " l'égalité des chances "
recouvre en fait une imposture : faire croire que l'école
en offrant à chacun " le meilleur de la culture
et du savoir " place tout le monde sur la même
ligne de départ, les structures d'aide venant compenser
les handicaps. L'échec est alors ramené à
la responsabilité de l'élève plus ou moins
méritant. Le maintien de l'aide individualisée en
seconde, présenté comme un gage de la volonté
de réforme du ministre risque de jouer ce rôle de
leurre : que pèseront deux heures hebdomadaires d'aide
au regard des conditions culturelles nécessaires à
l'accès au savoir légitime ? Si encore il s'agissait
de permettre à tous les lycéens de construire un
socle culturel commun suffisant, de tels dispositifs pourraient
contribuer à égaliser les chances Mais, dès
lors que l'objectif visé se situe " au plus haut
niveau ", que la culture littéraire est référée
prioritairement au modèle des humanités classiques,
pour l'occasion élevé au rang de modèle universel
(cf. le passage sur le grec et le latin "
dépositaires [à eux seuls] de pans entiers de la
mémoire de l'humanité ") cette exigence
là est génératrice d'exclusion.
À la fois rétablir
les options, maintenir l'AI (aide individualisée), renforcer
l'horaire disciplinaire, développer les TPE transdisciplinaires,
créer une agence de l'innovation, sauver le latin et le
grec, maintenir le bac : l'exercice est de haute voltige ! Espérons
que nous ne nous y cassions pas tous le nez.
Marie-Christine Chycki, Professeur de lettres au lycée
Jean Macé, Rennes.
Du 12 au 15 avril dernier, à la
Sorbonne, se sont déroulés les débats sur
les recherches et les innovations organisés
par la 5e Biennale de l'éducation et de la formation. Le
thème de cette année, Éduquer et former au
xxie siècle :
" Quels savoirs et quelles incertitudes ? " a été
décliné dans de nombreuses conférences, rencontres,
colloques et communications qui ont cherché, inventé,
expérimenté de nouvelles modalités de transmission
et d'échanges. Nombre d'informations, sur les recherches
comme sur les pratiques, tout à fait passionnantes. Les
participants étaient nombreux, principalement chercheurs
et formateurs. Sans être négligeable, la présente
des praticiens était plus marginale.
Pourquoi est-il si difficile
de changer l'école
?
À chaque Biennale de l'éducation,
il y a une conférence inaugurale par une " personnalité
". Cette année, les participants n'ont pas été
déçus par l'intervention passionnante d'Antoine
Prost, suivie de réactions de " grands témoins
" et d'un débat avec le conférencier.
L'historien de l'éducation, dont nous n'avons pas oublié
l'Éloge des pédagogues qui reste d'actualité,
a tenté d'analyser les difficultés des changements
dans l'éducation, et en particulier d'expliquer pourquoi
certains se réalisaient, alors qu'on se serait attendu
à un échec, tandis que d'autres, ne parvenaient
décidément pas à s'effectuer.
Dans le premier cas, il a cité
les transformations du lycée professionnel, avec l'introduction
du bac pro, malgré l'hostilité au départ
des syndicats et des personnels. Dans le second cas, il a évoqué
le tutorat. Celui-ci a été rejeté en 1982
parce qu'il aurait, disait-on, porté atteinte à
la " liberté de l'élève " ; alors
qu'aujourd'hui, a-t-il fait remarquer, l'aide individualisée
est critiquée parce qu'elle serait une manifestation du
" libéralisme marchand ", ce qui ne laisse pas
d'étonner.
Pourquoi les choses se passent-elles
ainsi ? En fait, l'essentiel ne réside-t-il pas dans les
questions d'identité ? Les enseignants ont une identité
fortement " disciplinaire " et ce qui leur paraît
porter atteinte à cette identité est souvent rejeté.
On accepte à la rigueur d'ajouter (l'aide, les activités
périphériques), à condition que cela n'empiète
pas sur l'essentiel : les cours dans les matières scolaires.
D'où la demande continuelle de moyens supplémentaires,
et la pratique de la dénégation pour rejeter les
arguments sur la lourdeur des programmes ou l'empilement des connaissances.
Après avoir surtout fait des constats, avoir décrit
la réalité, l'analyste a cédé la place
au citoyen (A. Prost est aussi un élu d'une grande ville).
Les crispations identitaires, pour lui, aveuglent trop souvent
les enseignants et on en vient aux dérives de la période
récente. Avec émotion et virulence, Antoine Prost
s'est insurgé par exemple contre l'instrumentalisation
des élèves lors des grèves de mars (amener
des classes manifester devant l'inspection académique lui
a paru déontologiquement inadmissible) et contre la montée
de la haine. " Une critique outrancière du ministre
contribue au discrédit de tout ministre et donc de l'autorité.
Gare aux effets en retour ! ".
Le débat qui a suivi, notamment
avec J.- Y. Rochex et Ph. Perrenoud, s'est avéré
riche et stimulant. Ce qui nous fait regretter qu'il n'y ait pas
davantage de discussions de fond entre intervenants lors de ce
genre de colloques. Par exemple, ici, on aurait eu envie de prolonger
l'interrogation sur la grandeur et les limites de cette fameuse
" identité disciplinaire ". Mais nous aurons
la chance de retrouver Antoine Prost au colloque sur les élèves
en difficulté, cet automne, colloque dont le CRAP est l'un
des organisateurs.
Jean-Michel Zakhartchouk, Professeur de français
en collège.
Tisane de simples
On trouve de tout dans une Biennale
de l'éducation et de la formation : des formateurs, des
décideurs, des commerciaux et des militants, de bons vieillards,
de jeunes chercheurs.
On parle des profs. Avec souci.
Beaucoup des quatre cents contributions portent sur les difficultés
des premières années d'enseignement. D'autres méditent
sur les résistances aux changements (vous avez remarqué
?) avec un regard psy ou socio proche parfois de l'anthropologie
voire de la zoologie : étrange animal le prof, si vite
contrarié, si peu enthousiaste, que faire pour lui ? Que
faire de lui ? C'est qu'on en a sept cent mille sur les bras.
On propose des solutions : un militant
type vieux lutteur explique comment, avec ses méthodes,
les " yeux des enfants se sont mis à briller ".
On l'écoute gentiment. Une vidéo montre la souffrance
d'un prof devant ses élèves. Happy ending : il enseigne
maintenant à des adultes. Ouf ! dit la salle soulagée.
Ailleurs, une chercheuse dresse la liste des dix qualités
du prof vraiment pro. Je constate (un peu tard) que je n'ai pas
le profil. La dixième qualité, c'est d'être
capable d'élaborer un plan de carrière. Tiens donc
!
Non, je rigole. Il devait y avoir là un bon pourcentage
de gens conscients que la grosse machine grince, coince et souffle.
Et qu'il ne suffira pas de quelque tisane de simples.
Philippe Lecarme, professeur de français
en retraite.
Les 6 et 7 mai derniers les Cahiers
étaient présents aux rencontres de l'OZP. S'il faisait
beau à Gennevilliers nous n'avons guère vu le soleil
pendant ces deux journées de travail et d'échanges,
nous, les quelque deux cents personnes prêtes à occuper
notre grand week-end oisif pour parler et entendre parler des
ZEP et des REP.
De tables rondes en ateliers et
en échanges informels les débats, les réflexions
se sont mutuellement nourris. Les ZEP, REP, sont-elles une réponse
scolaire à la crise de la société ? Comment
leur travail est-il évalué et quels en sont les
enjeux ? Quelles sont-elles aujourd'hui, demain ? Trois grandes
questions débattues en assemblée plénière
avec des intervenants divers, chercheurs (Michel Wievorka, Jean-Yves
Rochex, Gérard Chauveau) ou institutionnels (Christian
Joint-Lambert, Catherine Moisan)
Des temps d'ateliers et d'échanges
également, des groupes plus restreints pour parler, entre
autres, du pilotage et de l'animation des ZEP, des pratiques culturelles,
des nouvelles technologies ou des activités scientifiques,
de la formation des enseignants de ZEP avec des intervenants tout
aussi passionnants.
Sans oublier le bar, géré
par des élèves d'une troisième d'un collège
tout proche, afin de financer le projet d'un séjour de
révisions d'une semaine visant à préparer
le brevet des collèges.
Bref, deux jours de rencontres,
le terme est bien choisi, deux journées organisées
par une équipe très efficace, accueillante et sympathique.
Les actes de ces journées seront remis à tous les
adhérents de l'association alors, pourquoi ne pas adhérer
?
Comment ? Vous ne connaissez pas l'OZP ?
L'Observatoire des zones prioritaires est une jeune association
qui vient de fêter ses dix ans, qui " a pour but d'élaborer
ou de susciter la réunion et la diffusion d'informations
et d'analyses à l'appui des politiques de lutte contre
les exclusions, menées ou à mener particulièrement
dans le système éducatif ", qui organise
des réunions publiques sur des thèmes pédagogiques,
sociaux et politiques, et qui publie régulièrement
un bulletin. Merci à ceux qui la font vivre.
Françoise Carraud
Dans notre numéro de mai, nous annoncions la publication d'un appel signé par quatorze organisations en faveur d'une poursuite des réformes. Les déclarations du ministre vont dans le sens d'un soutien à l'innovation. Pourtant, les organisations signataires entendent rester vigilantes. Voici les grandes lignes de cet appel qui demeure d'actualité. |
La transformation du lycée ne peut attendre Alors que se développe le discours d'un système
éducatif atteint par la sclérose et le refus de
toute évolution et au moment où un nouveau ministre
prend ses fonctions à l'Éducation nationale, nous
réaffirmons la nécessité d'une transformation
en profondeur de l'école pour la réussite de tous
les jeunes. |
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Des nouvelles du front :
offensive d'Alain Finkielkraut.
Les pédagogues s'organisent. Françoise Clerc
Dans différents médias
les attaques contre les pédagogues semblent s'enflammer,
y a-t-il encore place pour un débat, lequel ? Ici Françoise
Clerc répond au texte d'Alain Finkielkraut publié
par Le Monde daté du 19 mai 2000. Pour les Cahiers pédagogiques,
il ne s'agit pas de descendre dans les tranchées, mais
bien de continuer à penser notre métier d'enseignant
et à l'inscrire dans une perspective moderne et citoyenne.
Nous en appelons aux lecteurs, instituteurs et professeurs, pédagogues
du quotidien. Que pensez-vous de ces échanges acrimonieux
? Comment ces propos qui paraissent recouvrir des enjeux essentiels
vous atteignent-ils dans vos choix comme dans votre pratique ?
Avec vous nous souhaitons poursuivre la réflexion dans
un vrai débat.
Dans les colonnes du Monde (ravi
de l'aubaine) s'installe un feuilleton à rebondissements
: les échanges peu amènes entre Philippe Meirieu,
éminent pédagogue, et Alain Finkielkraut, éminent
philosophe. Une pétition d'universitaires de renom a circulé
et les médias (notamment France Culture) se font l'écho
du " débat ". Ces échanges de textes viennent
après d'autres qui émaillent régulièrement
l'actualité éducative. Mais y a-t-il vraiment débat
? On peut en douter.
Les attaques contre " les pédagogues
" sont personnalisées. Dans le cas présent,
à moins de penser que les personnes incarnent totalement
leurs idées, ce qui est douteux, on peut voir dans les
échanges par presse interposée, plus un combat de
deux intellectuels dont l'un (Philippe Meirieu) fait de l'ombre
à l'autre (Alain Finkielkraut). Si Philippe Meirieu est
connu pour ses engagements idéologiques mais aussi professionnels,
si tout le monde n'est pas obligé de partager ses opinions
(cela s'appelle la démocratie) et peut discuter la validité
des savoirs qu'il avance en tant que professionnel (c'est la saine
pratique du doute), on peut se demander jusqu'à quel point
l'expression de la haine et la personnalisation des attaques sont
admissibles. Notre société s'installe insidieusement
dans des pratiques de non respect 1
qui me semblent tout aussi délétères et préjudiciables
à la démocratie que la délinquance dans certaines
zones urbaines. Il existe en France une tradition du pamphlet
qui se justifiait lorsqu'elle répondait à un manque
de liberté d'expression et prend de l'intérêt
quand les auteurs font preuve d'esprit. Or, les attaques actuelles,
si elles sont méchantes, sont en général
dépourvues d'humour. Elles ont surtout le désavantage
de polariser l'attention et de masquer le fait que le citoyen
moyen est renvoyé aux sondages et aux émissions
de télévision où sa parole est soigneusement
encadrée, cantonnée à des sujets sans intérêt,
tandis que sur ces questions qui le touchent de près, il
n'a d'autre alternative que subir ou descendre dans la rue. D'ailleurs
Alain Finkielkraut qui, à défaut d'être convaincant
est assez malin, sent bien la faille : dans son article du Monde
du vendredi 19 mai, il appelle à la rescousse les classes
populaires et prend à témoin Jaurès
Dans certains textes, on chercherait
en vain des arguments étayés sur des observations,
une tentative d'argumentation rationnelle. On devine que pour
quelques auteurs, le débat d'idées n'a finalement
pas vraiment d'importance. Les " belles lettres " et
les humanités sont en crise. La philosophie se démène
dans des contradictions internes depuis que les sciences humaines
l'ont dépossédée d'une partie de son champ
théorique traditionnel et depuis que les grandes figures
très médiatiques de l'après-guerre 2 ont disparu. En face, les sciences de
l'éducation elles-mêmes s'entre-déchirent
de façon plus feutrée, mais très réelle.
Elles constituent donc une proie idéale car elles n'assument
vraiment ni la pluralité des champs scientifiques invoqués
pour comprendre les faits éducatifs, ni la spécificité
de leur statut épistémologique. Peut-on parler des
faits éducatifs sans en même temps parler de ce qui
en constitue le cur, c'est-à-dire la pédagogie entendue
comme un ensemble de savoirs liés à l'action des
praticiens de l'enseignement ? Que serait la médecine si
elle se désintéressait des protocoles de soins ?
Que serait l'ingénierie si elle se désintéressait
des mises en uvre des systèmes qu'elle invente ? "
Pédagogue " est devenu une injure et pas seulement
chez les esprits chagrins. S'il est évident que les chercheurs
en éducation (pas plus d'ailleurs que les personnels) ne
peuvent considérer qu'ils ont le monopole des questions
éducatives, ils ont en revanche le devoir de mettre à
disposition des institutions de la démocratie les savoirs
qu'ils construisent, soit qu'ils aient directement la possibilité
d'éclairer les choix politiques, soit qu'indirectement,
ils contribuent à faire avancer la maîtrise qu'a
l'opinion publique de questions qui concernent notre société
dans son entier.
L'honnêteté voudrait
que l'on avoue que l'évolution actuelle des savoirs et
des techniques nous dépasse, la modestie, que l'on admette
que nous sommes en recherche de critères de validité
et de règles de conduite dans certains domaines. Ces qualités
morales, je les trouve plutôt chez ceux qui acceptent de
ne pas avoir de certitudes achevées, chez ceux qui doutent.
Je les trouve plutôt chez ceux qui acceptent le risque de
s'engager dans des actions et pas seulement en parole. Je la trouve
plutôt chez ceux qui savent que le propre de l'action est
l'incertitude et l'intègrent comme une donnée fondamentale
de leur pensée. Mais rien ne justifie qu'on tente d'exterminer
son adversaire plutôt que de le convaincre, qu'on masque
des intérêts catégoriels sous un pseudo intérêt
général. Tous les coups ne sont pas permis.
Le plus grave reste à dire
: les jeunes sont complètement absents de ce combat qui
se déroule au-dessus de leurs têtes. Ils ne sont
même pas otages de la parole des adultes, ils en sont absents.
Quoi qu'on pense de la consultation dans les lycées, cette
tentative 3 a eu au moins le
mérite d'essayer de redonner une dignité aux jeunes
en leur restituant le droit de dire leur expérience Depuis
longtemps, génération après génération,
ils ont pris l'habitude d'être ailleurs, de se retrouver
dans d'autres lieux que l'école, de fuir les débats
avec les adultes, de se réfugier dans " une culture
jeune ". Mais même là, ils sont récupérés
par des marchands finalement plus habiles que les pédagogues.
Les plus lucides d'entre eux le savent. Mais que faire ? Le libéralisme,
pour ceux qui en ont les moyens, autorise au moins une illusion
de liberté dans la consommation. Je ne suis pas sûre
que notre société aime ses enfants : elle en a peur
et les traite de " sauvageons ", elle les utilise dans
des combats qui ne sont pas les leurs (une élite intellectuelle
à grand pouvoir médiatique les utilise pour perpétuer
sa propre culture et l'élitisme qui l'a portée là
où elle est, mais elle n'est pas la seule à agir
ainsi), ils sont asservis dans la bonne conscience et le politiquement
correct (il ne suffit pas de mettre à disposition, dans
les établissements scolaires, des préservatifs ou
la pilule du lendemain pour faire uvre éducative et simplement
manifester son amour). Les faits sont têtus et les sciences
humaines ont montré à quel point les jeunes sont
les premiers touchés, y compris dans leur vie affective,
par les dysfonctionnements économiques et sociaux.
J'ai l'impression que certains d'entre
nous ont oublié que, derrière nos déchirements,
nos rivalités, nos états d'âme épistémologiques,
nos intérêts corporatistes, il y a des adolescents
que nous avons appelés à la vie. Nous avons une
responsabilité à leur égard. Or, cet oubli
est assez systématiquement manifeste dans le camp de ceux
qui se posent en défenseurs du savoir et de la vocation
traditionnelle de l'école. S'il faut apprendre autrement,
ce n'est pas seulement parce que les élèves changent,
ni parce que les pédagogues sont des lâches. Puisqu'il
faut le dire, les représentations du savoir et de ses formes
ne peuvent être dissociées de leur époque
et de leur société. Le savoir que certains défendent
est historiquement et socialement défini et n'existe plus
que dans les rêves nostalgiques. Les savoirs évoluent
dans leurs contenus, leurs formes et leurs modes de mobilisation 4. Ce n'est pas du laxisme de le dire. Ce
n'est pas faire preuve de psychologisme excessif. C'est simplement
sortir d'un mensonge. Quel chercheur peut affirmer sans rire que
les savoirs qu'il utilise ou qu'il construit sont exactement identiques
à ceux du siècle dernier ? Même les mathématiciens,
depuis les Bourbaki et quelques autres, regardent autrement leurs
savoirs. L'école serait-elle le dernier bastion où
on entretiendrait la fiction ? Inquiéter l'opinion par
des contrevérités est un procédé dangereux
dans une démocratie. Il y a danger à mentir à
la jeunesse et à tenter de la tenir sous la dépendance
de clercs prompts à confondre leurs intérêts
de caste avec ceux de la nation tout entière.
Françoise Clerc, Sciences de l'éducation,
université Lyons II.
1 Cela se manifeste
à l'égard d'intellectuels mais aussi de ministres
(Dominique Voynet, Claude Allègre, qui lui-même n'a
pas eu un comportement irréprochable), d'élus et
de simples citoyens et prend des formes violemment antidémocratiques
qui vont bien au-delà des paroles : manifestations impunies
contre la loi, atteintes physiques aux personnes. On ne compte
plus les événements majeurs dans la vie publique
où l'intérêt individuel l'a emporté
sur l'intérêt collectif, la vengeance sur la justice,
la haine sur la loi.
2 Ce n'est pas un hasard si les livres sur Sartre connaissent
actuellement une grande vogue et si la Mairie de Paris éprouve
le besoin de donner le nom du couple Sartre-Beauvoir à
une place. Mais ne confond-on pas la proie et son ombre ? Dans
l'association philosophie-médias que Sartre et Beauvoir
ont contribué puissamment à faire naître,
il semble que ne restent que les médias.
3 Tentative qui au moins a été sincère
chez la plupart de ses promoteurs, j'en témoigne, même
s'il y a toujours une part de roublardise chez les politiques
quand ils s'adressent aux jeunes.
4 Il ne s'agit pas ici d'invoquer le nombre des savoirs,
ni un improbable progrès de l'humanité.
L'article d'Alain Finkielkraut,
" La révolution cuculturelle ", dans Le Monde
du 18 mai, persuade que ce philosophe professeur détient
le secret de l'instruction mais qu'il ne le dévoilera
pas. On a beau secouer son texte dans tous les sens, c'est pire
qu'Orangina comme disait Coluche : impossible d'en décoller
la pulpe du fond. À part fulminer contre les pédagogues
pourrisseurs d'enfants, tous inspirés par ce pervers polymorphe
et inculte de Philippe Meirieu, Finkielkraut ne nous dit pas
ce qu'il faut faire pour ne pas être des profs cuculs.
|
C O U R R I E R
Une lecture, une pratique
Après les divergentes recensions du livre de
Samuel Johsua, L'école entre crise et refondation (in 378,
Michel Develay plutôt contre et Gisèle Jean plutôt
pour), une lecture quelque peu différente d'un instituteur
remplaçant en ZEP. L'amorce d'un débat ?
Lorsque Samuel Johsua souligne la volonté des libéraux
de " recourir de manière systématique à
l'enseignement sur Internet 1
" comme lorsqu'il pointe " la difficulté, pour
de nombreux élèves, de combiner leur vie scolaire
et leur vie juvénile, tant les exigences et la compétition
scolaire laissent peu de place à l'autonomie 2 ", je crois qu'il signale des éléments
fondamentaux de la crise de l'école 3.
Pour moi qui suis instituteur remplaçant en ZEP, les nouvelles
technologies et l'exigence " d'autonomie ", (demandes
des classes moyennes), ne me semblent pas être premières
pour les enfants en difficulté.
Le ouèbe
En premier lieu je désirerais savoir dans quelle mesure
un enfant qui maîtrise mal la lecture peut trouver quoi
que ce soit dans une page Web. Ces pages se présentent
toujours sous une forme attractive pour l'il, mais confuse. On
sait quel parcours effectue l'il du lecteur. Or là, il
faut chercher dans tous les sens, on ne voit pas l'intégralité
de la page. Pour trouver quelque chose il faut développer
une stratégie de recherche, pas aussi simple qu'un clic
de souris. L'utilisation active, maîtrisée, d'Internet
est difficile, si ce n'est impossible, pour un mauvais lecteur.
Sans vouloir tout jeter aux orties ce n'est pas la panacée
que d'aucuns voudraient y voir.
De plus cette nouvelle utopie me semble portée par une
volonté de lier l'école au développement
de la " nouvelle économie ". Comme si le but
de l'école était de former des élèves
en fonction de besoins à court terme de cette " nouvelle
économie ", comme si l'homme devait être au
service de l'économie et non le contraire ?
L'autonomie
L'autonomie pose bien plus de problèmes. Elle est le but
recherché de tout enseignement : savoir comment et où
chercher les informations nécessaires à toute réflexion.
Seulement elle peut très bien se traduire concrètement
par une diminution de l'aide à l'étude que l'école
doit apporter justement aux secteurs les moins favorisés.
Un enfant, livré à lui-même dans la vie de
tous les jours, ne peut en bénéficier totalement.
L'autonomie suppose une part de liberté utilisée
pour se construire un savoir, une acceptation implicite du projet
de construction de la personne via, entre autres, le savoir. C'est-à-dire
une auto-projection dans la société et dans l'avenir.
Or les enfants de ZEP ne se projettent pas dans l'avenir car leur
souci est de survivre ; quand ils se projettent ils ne voient
que l'exclusion. En conséquence, ils ne peuvent utiliser
de manière constructive ces espaces de liberté :
il suffit de voir le peu de temps réellement efficace dans
une heure de travail en autonomie en ZEP par rapport à
une classe standard. En ZEP, il faut des cadres de référence
clairs, ce qui ne veut pas dire qu'il ne faille pas viser à
l'autonomie, mais pour construire et non pour elle-même.
Le sens
L'autonomie suppose que l'on sache, plus ou moins consciemment,
pourquoi et pour qui on étudie. Et Johsua affirme que "
le " sens " profond, la raison d'être des activités
scolaires sont eux-mêmes atteints 4 " En effet,
pour des couches de population qui commencent seulement à
accéder à la scolarisation secondaire, quel peut
être le sens de cette scolarisation quand les débouchés
se font rares à cause de la crise économique, et
quand la loi, dans et hors l'école n'est pas respectée
? C'est bien ce que je rencontre en ZEP (et même ailleurs).
Il est exact que pour des raisons connues de tous (consumérisme,
apologie de l'argent facile, libéralisme idéologique)
il y a perte de la notion de valeur du travail. Tout le monde
sait que le travail salarié n'a jamais enrichi personne
et que seuls les riches sont reconnus. Dans ces conditions pourquoi
étudier à l'école si dehors il n'y a pas
de travail (si ce n'est de petits boulots) ? Comme nous le disait
un responsable de la cellule lecture du rectorat de Caen, en s'adressant
à un public d'instits en stage : " Qui a réussi
d'après les critères actuels ? Vous, instits avec
vos 10 000 F par mois, ou le jeune qui a cinq femmes sur le trottoir
et vit avec 50 000 F ? "
" Du point de vue de celui qui apprend, la question qui nous
intéresse prend [] la forme de " à quoi ça
sert que j'étudie ? " [] C'est donc de pertinence
qu'il faudrait parler pour fonder le " sens " [] On
peut aider à l'étude [] mais on ne peut éliminer
toutes les difficultés 5# ". Cette " pertinence
se construit pas à pas ", avec du temps, des échecs
constructifs.
Trouver cette voie n'est pas toujours aisé parce que les
enseignants sont des experts en contenu, enclins au raccourci,
pressés par le temps, les demandes externes et internes
à l'école, et surtout parce que les élèves
en difficultés font de la résistance, résistance
qui désarme les enseignants non formés à
la désamorcer. Mais nous devons cependant amener les enfants
à cette pertinence et à cette envie d'étudier
pour soi dans un cadre social c'est-à-dire collectif, sinon
ce sont les lois du milieu qui s'imposeront. Car, s'il est vrai
qu'il faut " apprendre pour soi ", que l'acquisition
est toujours " un mélange d'aspects " collectifs
" et d'aspects " individuels " pour progresser
dans la " conquête du sens 6 ", comme la
pression à l'individualisation, vers l'individualisme est
forte, il faut déplacer " le curseur du côté
collectif " dans une nécessaire confrontation et une
saine émulation. Comment susciter le désir d'apprendre
quand on est dans le refus et le déni ?
" L'individualisation de la pédagogie [sape] des possibilités
parmi les plus efficaces pour redonner du sens à l'étude,
lequel s'éprouve aussi collectivement 7 ", écrit
encore Joshua car c'est dans l'imitation et dans la confrontation
que les enfants progressent. C'est dans la confrontation collective
que naît l'envie de se dépasser et il convient donc
d'y amener les enfants en créant des situations qui, situées
juste un peu au-dessus de leurs capacités et de leurs désirs,
leur permettent de progresser.
Là aussi le rôle des familles est capital. Si on
ne parle pas à son bébé, ou pire si on le
rejette, l'échec est au bout. L'étude de M. Duyme
et M.-A. Dumaret de l'Inserm, montre que si on modifie le milieu
socioculturel en plaçant des enfants en grande difficulté
dans des familles d'accueil de classe sociale plus élevée
que le milieu d'origine, le QI évolue de 77 à 100.
Ce qui m'incite à penser qu'il faut modifier de façon
durable et radicalement le milieu familial : responsabilisation,
éducation, formation des parents, école des parents
en liaison avec l'école des enfants.
Je crois que l'une des tâches essentielles de la pédagogie
actuelle est que les jeunes aient envie d'apprendre, en gardant
à l'esprit que le " refus d'apprendre " des élèves
en difficulté est révélateur d'un refus sourd
de la société dans laquelle nous vivons. Une révolte
qu'il convient d'analyser avant quelle ne se transforme en jacquerie
dont les seules victimes seraient les jeunes eux-mêmes.
Changer les jeunes ou changer le monde !
Marc Chiassaï, Instituteur remplaçant
en ZEP, Caen.
Gestion mentale
À propos de la gestion mentale (cf. le 381, L'intelligence,
ça s'apprend ?) une réaction au texte de Jean-Michel
Zakhartchouk.
Si je renouvelle encore une fois mon abonnement à votre
revue, je tiens à vous dire ma déception et même
mon inquiétude à la lecture de l'article sur la
gestion mentale dans le numéro 381.
Libre bien sûr à Monsieur Zakhartchouk de donner
son opinion comme il le fait dans l'ouvrage de Charles Gardou
mais comment admettre la caricature de cette pratique pédagogique
dans l'encadré ? Nulle mention des gestes mentaux que sont
l'attention, la mémorisation, la compréhension,
la réflexion et l'imagination. Sont-ils si nombreux les
enseignants qui savent expliquer aux élèves ce qu'ils
peuvent faire " mentalement " pour donner une réponse
juste à une question posée ?
Pourquoi parler de " profil pédagogique " guère
pratiqué en milieu scolaire, contrairement au " dialogue
" ou à " l'entretien pédagogique "
si précieux à l'heure où on préconise,
à juste titre, " l'aide individualisée "
?
Professeur d'anglais en collège, je pratique la gestion
mentale depuis une dizaine d'années et j'espère
que les enseignants savent faire la différence entre les
ouvrages dignes d'intérêt et les autres.
PS : Je peux conseiller la lecture d'un ouvrage récent
très sérieux : La gestion mentale. Un autre regard,
une autre écoute en pédagogie, de Chantal Evano,
chez Nathan pédagogie.
Catherine Thouvay, Nouméa, Nouvelle-Calédonie.
Plan anti-violence
À propos de l'Actualité éducative
du n° 383, " Plan anti-violence ", une réaction
aux réactions de Sylvie Premisler.
Je pense avoir éprouvé le même sentiment que
Sylvie Premisler au plan anti-violence d'Allègre ; c'était
une réaction épidermique, une chair de poule. Je
reconnais bien volontiers que je n'aimerais pas avoir besoin d'un
policier en uniforme à la porte de ma classe.
Pourtant je ne peux en rester là et ma réflexion
avance en deux directions qui s'entrecroisent sans cesse, l'hélice
de 1'ADN au service d'une logique socio-rationnelle.
Dans l'académie de Montpellier - comme ailleurs où
je ne suis pas - le collège de Vauvert (30) a connu les
pires excès de la violence, il y a près de quatre
ans maintenant. Si on n'a déploré aucune perte humaine,
il s'en est fallu de peu et bon nombre d'enseignants, d'acteurs
éducatifs et d'élèves y ont connu des troubles
personnels traumatisants.
Depuis deux ans, plus aucun incident. Un plan anti-violence fondé
sur une politique préventive, avec par exemple un dispositif
de lutte contre l'absentéisme (DLCA), a été
mis en place. Une évaluation des résultats confirme
le retour en cours des collégiens et l'état de calme
qui règne à Vauvert, au collège et dans la
cité.
Pas de miracle, seulement une prise en compte des élèves
en tant que personnes par des enseignants et des partenaires de
justice et de police.
La deuxième branche de ma pensée hélicoïdale,
ce serait le point de vue de jeunes policiers, venus de tous horizons,
qui liraient le texte de Sylvie Premisler. Ces hommes que l'on
souhaite îlotiers à la sortie des collèges,
qui suivent des formations de plus en plus ouvertes, par exemple
dans l'Hérault une formation par la délégation
régionale aux droits des femmes à l'écoute
des femmes victimes de violence, ces pères de famille dont
les enfants fréquentent nos classes peuvent tout à
fait légitimement se sentir éducateurs dans la cité.
Ils le sont d'ailleurs parfois, dans les quartiers, le mercredi
ou le soir après les cours pour des activités à
dominante sportive. L'école s'ouvre à la société
et ne peut se permettre ni de rester sur des représentations
rigides et anciennes de celle-ci ni de se laisser aller à
un angélisme naïf.
Il reste donc à construire des partenariats avec des acteurs
sociaux en affichant clairement les valeurs de l'école
que l'on souhaite partager.
Éduquer, c'est prévenir et non réprimer ;
invitons donc nos partenaires de la prévention à
apporter leur point de vue dans l'éducation donnée
aux jeunes.
Éduquer, c'est faire prendre conscience du danger de toutes
les conduites à risques ; médecins scolaires, assistants
sociaux, infirmiers policiers, juges sont autant d'acteurs qui
gravitent autour de nos établissements sans trouver toujours
l'accueil qui permettrait que les élèves puissent
se construire une image positive de leur rôle.
À ceux qui penseraient que le passage de ma réaction
épidermique aux mesures d'Allègre à ces dernières
réflexions est un retournement de veste, je réponds
catégoriquement non. Je continue de revendiquer le droit
à ma susceptibilité d'enseignant : il ne me plaît
pas d'être assimilé à cette extrême
minorité désignée si souvent par l'ex-ministre
(les absentéistes). De la même façon, je ne
me reconnais pas parmi ceux qui ne voient que de la répression
dans les actions Éducation nationale-Police-Justice.
Bravo donc à ceux qui osent tenter des opérations
conjointes, qui reconnaissent le travail des éducateurs
de la PJJ et qui refusent l'enfermement dans la solitude de la
classe pour résoudre les problèmes graves qui perturbent
leur mission d'enseignants.
Daniel Comte, PEMF, Pignan (34).
La Charte sur les langues régionales
À propos de la Charte sur les langues régionales,
une réaction à différents textes et à
leur traitement par la rédaction des Cahiers.
Dans le numéro 378 de novembre 1999, les Cahiers pédagogiques
proposaient d'ouvrir un débat à propos de la Charte
sur les langues régionales. Deux articles favorables à
la Charte figuraient en pages deux, trois et quatre de ce même
numéro dans la rubrique " actualité éducative
", le premier de Philippe Martel, président de la
fédération des enseignants de langue et culture
occitane, le deuxième de Roger Ebion, enseignant en Martinique.
Une réaction de Michel Alphand, proviseur honoraire, expliquant
les raisons de son hostilité à la ratification de
cette Charte, a été publiée dans le numéro
380, non pas en tribune mais en dernière page dans le courrier
des lecteurs. Vint ensuite, dans le numéro 382 de mars
2000, un texte de Jean Sibille chargé à la Délégation
générale de la langue française du dossier
des langues régionales, paru en page soixante-cinq dans
la rubrique " Faits et Idées ".
Peut-on parler d'ouvrir un " débat " lorsque
différentes positions ne sont pas publiées sur un
même " pied d'égalité " ? Je ne
puis qu'exprimer ma déception aux Cahiers pédagogiques
pour cette façon de procéder.
En réponse à Jean Sibille, veuillez trouver ci-dessous
mon sentiment personnel :
De l'injure au mépris ?
La première salve, n·378, pointait de supposés
" nationalistes - jacobins ". La deuxième, n·382,
après une réponse reléguée dans le
courrier des lecteurs du n· 380 (!) exécute "
l'archaïsme " de tous ces " illettrés qui
n'ont pas su lire la Charte ", et qui confondent le Droit
et la Politique : les juges constitutionnels, Seguin, Pasqua,
Chevènement, Badinter et Mélenchon, Edmonde Charles
Roux et Françoise Giroud, Jean Dutour et Jean Claude Guillebaud,
etc., etc.
Comme si Madelin et Cohn-Bendit, Rossi et Talamoni, ne pouvaient
être suspectés, eux, d'approuver le texte du Conseil
de l'Europe pour d'autres raisons que linguistiques ! Leur préférence
affichée pour une Europe des régions ne cacherait-elle
pas, cependant, une volonté d'enterrer le concept d'État
républicain ou des arrières pensées séparatistes
?
Soyons sérieux, et revenons au cur du sujet : s'agit-il
d'assurer la sauvegarde d'un patrimoine culturel ancestral ? Si
la réponse est oui, une loi républicaine concernant
les possibilités d'apprentissage de langues régionales
et minoritaires (optionnelles) suffit. Cette loi évoquera
aussi, bien entendu, la place de ces langues dans les médias
publics et les aides ou subventions accordées aux créations
artistiques méritantes, d'inspiration régionale
ou minoritaire.
Que l'Assemblée Nationale se mette donc au travail en tenant
compte des observations formulées par le conseil constitutionnel.
Quand le projet ou la proposition de loi sera en chantier, alors,
M. Jean Sibille pourra nous donner ce que la rédaction
des Cahiers pédagogiques appelle son " point de vue
particulièrement autorisé " de membre d'une
" délégation générale ".
Je lui signale, à toutes fins utiles, que M. Poignant lui-même,
semble aujourd'hui considérer avec sagesse que cette solution
est préférable à celle envisagée par
les " jusqu'auboutistes " et inconditionnels de la Charte
: l'hypothèse d'une révision constitutionnelle qui
réouvrirait la porte d'une ratification est aussi improbable
qu'aléatoire et inopportune aux yeux des responsables les
plus avisés.
Christine Gibon, Conseillère principale
d'éducation dans le 93, (Abonnée aux Cahiers pédagogiques,
et adhérente du CRAP).